Voxdale, la Fabrique de l’Innovation : « On fait comme Elon Musk : on lance quelque chose en l’air et on voit ce qui ne va pas »
Ce qui nous semble routinier peut paraître remarquable de l’extérieur, et lorsque De Tijd est passé chez nous, ils ont parfaitement capté cette perspective, décrivant Voxdale comme un mélange d’atelier de bricoleur, de hall industriel et de fabrique de rêves.
22 septembre 2025

Voxdale BV
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D’Anvers à Loop, fabricant de bouchons d’oreilles, jusqu’au géant pétrolier saoudien Aramco, tous frappent à la porte de Voxdale, la fabrique d’innovation de Wijnegem. « Faire un produit, c’est facile. En produire un million, c’est incroyablement difficile. »
Le matériel, c’est difficile
Dans le monde de la production, le mot d’ordre est : le matériel, c’est dur. Les erreurs coûtent cher. « Dans le logiciel, si quelque chose cloche, on ajuste le code — au pire, un client peut refuser de payer un mois. En matériel, une petite erreur de production peut vous mettre en faillite. »
Prenons Loop, la société de bouchons d’oreilles qui est venue chez Voxdale. « Ces bouchons ne semblent pas complexes, mais il faut prendre des centaines de décisions : comment produire, à quelle échelle — 100 000 ou 10 millions d’unités — quel moule, quel matériau ? Chaque matériau dévie légèrement en forme, mais les 15 composants doivent toujours s’emboîter avec moins d’un dixième de millimètre d’écart. Si le produit ne répond pas aux attentes, les clients ne reviennent pas. »
Autre exemple : un dispositif de piqûre au doigt pour prélèvements sanguins, développé avec l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers pour les régions reculées. « Dans notre premier prototype brut, la taille ne convenait pas aux mains des femmes. Aujourd’hui, nous travaillons avec trois tailles. Comme nous avons ajusté rapidement, il ne deviendra pas un produit inutilisé. »
Tests top secret
Chez Voxdale, les ateliers sont remplis d’imprimantes 3D, de fraiseuses CNC, de découpeuses laser, et de boîtes de composants, câbles et vis. Certains prototypes sont cachés derrière des rideaux noirs : « Top secret. »
L’un d’eux est destiné à la Défense : des drones suspendus par des câbles en fibre de verre ultrafins. « Nous avons réussi à économiser quelques grammes, permettant aux drones de voler plusieurs kilomètres de plus ou de transporter une charge supplémentaire. Sur le terrain, ça fait une vraie différence. »
Pourquoi les grandes entreprises ont du mal à innover
Tim Dieryckx, CEO de Voxdale, est souvent interrogé sur la difficulté des grandes entreprises à innover.
« Parce que l’innovation ne se trouve que rarement au sommet. Elle est enterrée trois ou quatre niveaux plus bas. L’horizon de ces personnes est de deux à trois ans — bien trop court pour provoquer un vrai changement. Les grandes entreprises répètent donc surtout ce qui a été fait et essaient de l’améliorer. ».
L’innovation radicale ne vient que dans une crise ou avec un CEO qui la pousse sans relâche. « Certaines grandes entreprises réussissent — même en Belgique — mais ce sont des exceptions. Transformer un pétrolier en hors-bord, c’est difficile. Trop de bureaucratie. »

De Saudi Aramco à l’échelle européenne
C ’est pourquoi les entreprises à la recherche de « hors-bords » se tournent vers Wijnegem. Même Saudi Aramco est venu.
« Ils savent que le pétrole s’épuisera un jour. Ils veulent se diversifier, mais ont compris qu’ils ne pouvaient pas innover assez vite eux-mêmes. C’est pourquoi ils sont venus chez nous. »
Les concurrents de Voxdale incluent Verhaert (Flandre-Orientale) et Comate (Louvain, soutenu par Marc Coucke). Les deux sont plus grands, mais Voxdale a presque doublé son chiffre d’affaires en cinq ans pour atteindre environ 4 millions d’euros. « De bons concurrents sont une bénédiction », dit Dieryckx. « L’étape suivante est de rivaliser avec les acteurs européens. Nous voulons être les meilleurs. »
Tester, échouer, recommencer
L’équipe de 38 personnes progresse grâce à des tests constants. « Tester, échouer, recommencer. Ce n’est qu’ainsi que l’on avance. Le cerveau humain apprend plus vite en voyant les résultats qu’en travaillant sur des hypothèses sans fin. C’est pourquoi SpaceX lance des fusées : on les met à feu et on voit ce qui ne va pas. Si on teste quelque chose et qu’il ne tombe rien en panne, c’est probablement qu’on a attendu trop longtemps pour tester. »
Les exemples abondent : Tesla a perdu des années (et de l’argent) à maîtriser la production automobile. Des prototypes Medtech fonctionnant en laboratoire à 10 000 € chacun peuvent échouer 70 % du temps en préproduction, coûtant soudain 35 000 € par dispositif fonctionnel. « Détecter rapidement les erreurs nécessite une équipe diverse. Plus vite on corrige un défaut, moins c’est cher. »
Des laboratoires académiques au terrain
Voxdale convertit de plus en plus la recherche académique en produits réels ou spin-offs. Les clients incluent VITO (Institut flamand de recherche technologique) et l’Institut Fraunhofer en Allemagne.
Un projet avec UGent : un dispositif d’analyse de sol attaché à un tracteur pour mesurer les nitrates. « Les agriculteurs sur-fertilisent souvent car sous-fertiliser est plus risqué pour les cultures. Mais trop fertiliser nuit à la qualité de l’eau. Notre dispositif pourrait réduire significativement le CO₂ et la pollution par champ. »
Autre exemple : emballages pour tests biomédicaux avec Argenx et le laboratoire partenaire Cerba, visant à réduire les déchets médicaux. Le secteur biomédical est un client stable — Voxdale a déjà créé des startups comme Novosanis (dispositifs de diagnostic, vendus) et Idevax (vaccins sans aiguille testés avec des injecteurs robotisés).

Équilibrer les clients : startups, grandes entreprises et instituts
Lorsque Dieryckx est devenu CEO il y a cinq ans (avec les investisseurs Neomis et Tilleghcm), Voxdale a ajusté sa stratégie. Le fondateur Koen Beyers s’est mis en retrait pour se concentrer sur les startups.
« Nous prenons maintenant relativement moins de startups pour réduire le risque. Les startups sont amusantes, mais trop dépendantes du financement, ce qui est difficile en Europe actuellement. Les instituts de recherche sont plus stables. Les grandes entreprises sont aussi des clients — d’Airbus à Pfizer — mais très sensibles aux cycles du marché. Après le COVID, la crise énergétique, l’inflation et les tensions avec les États-Unis, nous avons tout ressenti. En 2023, nous sommes passés sous zéro, en partie à cause de faillites de clients et de notre propre croissance rapide. Aujourd’hui, nous sommes à nouveau rentables. »
La vision
En traversant le hall de Voxdale — à moitié atelier, à moitié fabrique de rêves — Dieryckx montre fièrement les bouchons d’oreilles Loop, les e-bikes Cowboy, et d’innombrables prototypes.
Sa philosophie : « Un produit, c’est facile. Faire le bon produit et ensuite en produire un million, c’est incroyablement difficile. C’est pourquoi nous existons : pour que le bon produit, avec les bonnes fonctionnalités, atteigne le marché plus rapidement. »
Publié à l’origine dans De Tijd le 13 septembre 2025. Rédigé par Sofie Vanlommel.
Vous pouvez lire l’article original sur le site web de De Tijd ici.